TMS
(Stimulation magnétique transcrânienne)
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est une technique qui permet de stimuler sans douleur le cerveau humain en alternant rapidement un champ magnétique induit dans une bobine de fil de cuivre placée sur la tête. Le champ magnétique est généré par un courant qui circule à travers une bobine de fil isolée dans une gaine de plastique. Le courant engendre un champ magnétique qui, à son tour, induit un courant secondaire dans une toute petite partie du cerveau. L’effet de la TMS est de moduler (amplifier ou diminuer) temporairement (quelques secondes à quelques minutes) l’activité d’une petite partie du cerveau (quelques millimètres carrés). Historique C’est en 1831 que Michael Faraday, un physicien anglais, découvrit le principe d’induction électromagnétique (Noohi & Amirsalari, 2016). Ce principe stipule qu’un champ magnétique changeant rapidement d’orientation produit un courant électrique dans un élément conducteur à proximité (Figure 1). Ce principe est à la base de la stimulation magnétique transcrânienne moderne. À la suite de la découverte du principe de l’induction électromagnétique, plusieurs expériences furent conduites dans le but d’induire des effets physiologiques en utilisant des champs magnétiques chez des animaux et des humains. Toutefois, les résultats furent limités, car l’utilisation d’un champ magnétique sans un courant alternatif n’induit pas de courant électrique dans un élément conducteur avoisinant (Walsh & Pascual-Leone, 2003). Figure 1. Expérience de Faraday qui a mené à la découverte de la loi sur l’induction magnétique. Source : Lassat (n. d.). En 1896, Arsène d’Arsonval, un physicien français, documenta l’induction de phosphènes (c.-à-d. la sensation de voir une lumière ou de percevoir des taches dans le champ visuel) par un champ magnétique pulsé chez des êtres humains (Figure 2). Toutefois, il induisit également des vertiges et des syncopes chez ces participants et participantes. Au cours des décennies suivantes, plusieurs chercheurs, dont Berthold Beer, Silvanus Phillips Thompson, Knight Dunlap ainsi que C. E. Magnusson et H. C. Stevens se penchèrent sur le phénomène des magnéto-phosphènes. En 1959, Alexander Kolin et ses collègues furent les premiers à observer en laboratoire une contraction musculaire dans le nerf sciatique d’une grenouille à la suite de la stimulation magnétique de ce nerf. Par la suite, Bickford et Fremming démontrèrent chez l’être humain des contractions musculaires à la suite de l’induction de courants par champ magnétique. Ce n’est qu’en 1985 qu’Anthony Barker, un chercheur à l’University of Sheffield en Angleterre développa avec son équipe le premier stimulateur qui fut utilisé en clinique et en recherche (Walsh & Cowey, 2000). Baker et collaborateurs furent les premiers à documenter des mouvements de la main induits par la stimulation magnétique transcrânienne et l’activité électrique qui y est associée, mesurée au moyen de l’électromyographie (EMG) (Miniussi, Paulus, & Rossini, 2012; Walsh & Pascual-Leone, 2003). Depuis la création du premier stimulateur, plusieurs avancées technologiques ont contribué au développement des stimulateurs utilisés de nos jours en clinique et en recherche. Figure 2. Arsène D’arsonval et les premières expériences de TMS. Source : Bureau, Chardin, and Vieau (n. d. ) Depuis les 30 dernières années, la TMS a gagné en popularité tant en clinique qu’en recherche. En 2002, la TMS répétitive fut approuvée par Santé Canada pour l’utilisation clinique et en 2008 par l’Agence américaine de surveillance des produits alimentaires et des médicaments (FDA; Noohi & Amirsalari, 2016). En clinique, la TMS est un outil thérapeutique utilisé pour le traitement de certaine troubles neurologiques et psychiatriques (p. ex. dépression, schizophrénie; McNamara, Ray, Arthurs & Boniface, 2001) puisque celle-ci peut induire des changements à long terme au niveau de l’excitabilité et de la connectivité de réseaux neuronaux (Ziemann, 2017). En recherche, la TMS s’est avérée être un outil important en neurosciences afin de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et de la moelle épinière chez des participants sains et participantes saines et chez des personnes souffrant de troubles neurologiques ou psychiatriques. Afin de minimiser les risques associés à la TMS, des accords internationaux pour la sécurité lors de l’utilisation de la TMS ont été publiés :
International Workshop on the Safety of rTMS, 1998
Révisions des recommandations en 2009 par Rossi et al Mécanismes d’action de la TMS
L’impulsion électromagnétique induite par un courant électrique de haute intensité, bref et rapidement variable est capable de créer un potentiel d’action ou un potentiel postsynaptique (excitateur ou inhibiteur) dans les neurones localisés sous la bobine (Figure 3; Terao & Ugawa, 2002; Valero-Cabré, Pascual-Leone & Coubard, 2011) . Les stimulateurs et les bobines qui sont utilisés aujourd’hui sont capables d’induire un champ magnétique de 1.5 à 2 tesla qui peut atteindre les neurones qui se trouvent à environ 1.5 ou 2 cm de la surface du crâne. Figure 3. Mécanismes d’action de la TMS. Source : Bureau et al. (n. d. ) L’effet de la stimulation dépend de la région stimulée, mais également des paramètres de stimulation. Cet effet peut être inhibiteur ou facilitateur sur le fonctionnement de la région, mais également sur le plan de la réponse comportementale observée. La nature et l’intensité des effets induits par la TMS varient en fonction de plusieurs facteurs :
Figure 4. Mécanismes d’action de la TMS sur le cortex moteur. Source: Klomjai, Katz, and Lackmy-Vallee (2015) Le moment où la stimulation est appliquée peut également avoir un impact sur les effets de la stimulation. En effet, l’état neurocognitif du participant ou de la participante (state dependency en anglais) peut influencer les effets comportementaux observés (Sandrini, Umilta & Rusconi, 2011). Par exemple, Silvanto et collègues (2007) ont démontré qu’en utilisant un protocole d’adaptation pour moduler l’état d’excitabilité d’une population de neurones localisés dans le cortex visuel primaire, il était possible d’induire des phosphènes d’une certaine couleur, c’est-à-dire que la couleur du phosphène perçu était la même que celle du stimulus auquel les participants et participantes avaient été habitués avant la stimulation. De plus, plusieurs modalités de stimulation ont été développées pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau :
Les effets de la TMS sur la plasticité synaptique Des études chez l’animal (de Labra et al., 2007; Valero-Cabre, Payne, Rushmore, Lomber & Pascual-Leone, 2005) et chez l’humain (Chouinard, Van Der Werf, Leonard & Paus, 2003) ont démontré que la TMS induit des effets locaux (c.-à-d. des effets dans la région stimulée) et des effets distaux (c.-à-d. des effets dans des régions éloignées). La TMS peut moduler l’activité neuronale de régions éloignées par le biais de leur connectivité avec la région stimulée.
De plus, la TMS peut avoir des effets synaptiques à court terme (p. ex. changement au niveau de l’excitabilité neuronale qui dure quelques minutes voire quelques heures dans certains cas, selon les paramètres de stimulation utilisés) et des effets synaptiques à long terme (p. ex. quelques jours, quelques semaines). Un exemple d’effet à long terme est la potentiation à long terme (LTP). La LTP est un type de plasticité synaptique par lequel, à la suite de l’activation d’une synapse, l’efficacité synaptique est modifiée. Les mécanismes associés à la LTP sont reliés à la coactivation des récepteurs postsynaptiques à la suite du relâchement du neurotransmetteur glutamate par le neurone présynaptique (Wassermann et al., 2008). Malgré l’importance de la LTP, très peu d’études ont été conduites sur les mécanismes de plasticité synaptique chez les êtres humains, car contrairement à la stimulation électrique d’un neurone chez l’animal, la TMS induit des effets relativement faibles et variables sur des populations de neurones et non des cellules individuelles.
De récents protocoles de theta-burst semblent être plus prometteurs afin d’étudier la LTP chez les humains.
Équipement Un système de TMS comprend des blocs d’alimentation, des capaciteurs, une unité centrale ainsi qu’une bobine de stimulation. Les blocs d’alimentation génèrent une charge électrique qui est accumulée dans les capaciteurs. Lorsqu’une impulsion est libérée, les capaciteurs libèrent une proportion de la charge accumulée qui est déterminée par l’intensité de la stimulation. Cette charge est transmise à la bobine où un champ magnétique est généré par le courant électrique qui circule à travers celle-ci. Une unité centrale contrôle les paramètres de stimulation tels que la fréquence des impulsions (mesurée en Hertz [Hz]), l’intensité (pourcentage par rapport à la puissance maximale de l’appareil) et le décours temporel de la stimulation (essais avec ou sans stimulation). Figure 5. Exemple d’un laboratoire de TMS (Image fournie par P. Tremblay) A. Système de neuronavigation Des systèmes de neuronavigation modernes sont offerts par plusieurs fabricants (Rogue Resolutions (https://www.rogue-resolutions.com/), Syneika (https://www.syneika.fr/home/), Magstim (https://www.magstim.com/), Neurosoft (http://neurosoft.com/en/), ANT Neuro (https://www.ant-neuro.com/), and MAG & More GmbH http://magandmore.com/en/). Les systèmes de neuronavigation sont utilisés afin d’augmenter la précision et la fiabilité de la stimulation. Les systèmes de neuronavigation sont composés d’un logiciel de visualisation d’image par résonance magnétique du cerveau et d’un système de capture optique. Un exemple de ce type de système est fourni à la Figure 6. Figure 6. Équipement pour la TMS. Source : Rogue Research Inc, 2018 B. Types de bobines Il existe plusieurs types de bobines. La résolution spatiale de la stimulation magnétique transcrânienne est associée au type de bobine utilisé. Plus la bobine est petite, plus la stimulation sera spatialement sélective. Toutefois, plus la bobine est petite, plus le champ magnétique induit est petit, réduisant ainsi la puissance et l’étendue de la pénétration (Deng, Lisanby & Peterchev, 2014). Les deux types de bobines les plus souvent utilisés sont les bobines circulaires et les bobines en figure en huit (Figure 7). Les bobines circulaires entrainent une stimulation peu focalisée, alors que les bobines en figure en huit entrainent une stimulation plus focalisée (Figure 7). Il existe toutefois d’autres types de bobines telles que les bobines en forme de cloche (double cone coil en anglais) et les bobines en forme H (H coil en anglais). Ces deux types de bobines sont utilisés lors de protocoles de stimulation cérébrale profonde. En général, plus la bobine est grosse, plus la résolution spatiale est réduite, mais on peut atteindre des neurones plus éloignés de la surface du crâne. Figure 7. Différents types de bobine. A. Bobine en forme de huit; B. Bobine circulaire; C. Bobine en forme de cloche. Source : Magstim (2018). Considérations de sécurité
Assurez-vous que votre étude respecte les recommandations de sécurité. C’est votre responsabilité. TMS à impulsion unique Le risque le plus sérieux associé à la TMS est d’induire des convulsions. Les convulsions sont le résultat d’un excès soudain d’activité électrique dans le cerveau. Cela empêche temporairement les neurones de communiquer normalement. Pour la TMS à impulsion unique, aucun cas de convulsions chez des individus en santé n’a été rapporté. Pour des individus en santé, la TMS à impulsion unique est donc considérée comme sécuritaire et sans risque. TMS répétitive classique et « patterned » Les effets secondaires possibles associés à la TMS sont (1) Convulsions, (2) Mal de tête, (3) Audition altérée, et (4) Habileté cognitive altérée (p. ex. attention ou concentration et changement de l’humeur).
Principales contre-indications à la TMS répétitive : À cause des risques associés avec la TMS répétitive, il est nécessaire de prendre certaines précautions. C'est pourquoi les participants doivent obligatoirement remplir un questionnaire détaillé afin de détecter toute contre-indication (p. ex. conditions médicales, prédisposition à développer un trouble cognitif ou une maladie) à la passation de cet examen.
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